Araigné
Les araignées ou Aranéides (ordre des Araneae) sont des prédateurs invertébrés arthropodes de la classe des Arachnides.
Elles sont dotées de huit pattes et ne disposent ni d'ailes ni d'antennes ni de pièces masticatrices dans la bouche. Leurs yeux peuvent être simples ou multiples. Elles secrètent de la soie (une solution protéinée synthétisée par des glandes généralement situées à l’extrémité de l’abdomen) qui sert à produire le fil qui leur permet de se déplacer, de tisser leur toile ou des cocons emprisonnant leurs proies ou protégeant leurs œufs ou petits, voire de faire une réserve provisoire de sperme ou un dôme leur permettant de stocker de l’air sous l’eau douce.
De nombreuses espèces chassent librement et sans faire de toile, en se déplaçant, ou à l’affût, parfois dans un trou qui peut être construit comme un piège.
En tant que prédatrices, les araignées jouent un rôle majeur dans la régulation des populations d'insectes, et elles sont elles-mêmes régulées par des prédateurs souvent spécifiques (reptiles, oiseaux ou insectes de la famille des pompilidae). Elles se sont adaptées à presque tous les milieux, de cavernicoles à montagneux, des milieux arctiques à équatoriaux. Seuls les eaux salées, les très hautes altitudes et les milieux très froids n’ont pas été colonisés par les Araneae.
La branche de l'arachnologie qui leur est consacrée est l'aranéologie. La peur des araignées ou arachnophobie est une des phobies les plus communes.
À l'exception de celles appartenant à deux familles (les Uloboridae et les Holarchaeidae) et au groupe des Mesothelae (350 espèces en tout), les araignées peuvent inoculer un venin pour se protéger ou tuer leurs proies en liquéfiant leurs organes internes au moyens d'enzymes.
Les morsures de grandes espèces sont souvent très douloureuses, mais ne laisseront pas de séquelles. Seules 200 espèces connues infligent des morsures pouvant affecter la santé de l'Homme.
Les araignées (40 000 espèces connues) ont conquis presque tout le domaine terrestre émergé hors haute montagne et zones polaires, certaines étant même capables de vivre en grande partie dans des bulles qu'elles construisent sous l'eau (en eau douce exclusivement). Elles sont donc ubiquistes. Beaucoup ont développé un mimétisme les rendant discrètes voire presque indétectables dans leur habitat. D'autres ont des comportements sociaux très développés.
Elles sont plutôt a priori généralistes en termes de proies, mais spécialisées en termes d'habitat. Pour la plupart des araignées, les proies sont cependant exclusivement des insectes ou leur larves et parfois d'autres acariens (« cannibalisme » possible) ou de petits crustacés terrestres (ex : cloportes..).
Les araignées interagissent avec leur environnement et entre elles en adaptant, pour certaines espèces au moins, leurs stratégies de chasse ; Par exemple, deux araignées sympatriques (occupant le même habitat forestier en Europe), Frontinellina frutetorum (CL Koch) et Neriene radiata (Walckenaer) (Araneae : Linyphiidae) vivent normalement à la même hauteur dans les arbres forestiers. Quand elles coexistent, ces deux espèces se montrent capables d'utiliser des hauteurs sensiblement différentes sur les arbres pour tisser leur toile. F. frutetorum sélectionne plutôt la strate plus élevée, alors que N. radiata tissera sa toiles, plus près du sol, ce qui permet aux deux espèces de limiter leur concurrence dans la même niche écologique. Ceci laisse penser qu'une plus grande diversité d'espèces invite les araignées à exploiter une plus large partie de leur environnement.
Les populations d'araignées sont dans la nature contrôlée par divers prédateurs, dont
- des insectes, avec en particulier les guêpes, dont toutes les guêpes pompiles (Pompilidae dont on compte 560 espèces rien qu'en France) exclusivement prédatrice d'araignées, qu'elles piquent précisément au niveau des centres nerveux en les paralysant avant de les emporter dans le gîte d'élevage des larves, ainsi que les guêpes maçonnes (Sceliphron) construisent des urnes de terre qu'elles remplissent de petites araignées paralysées qui serviront à alimenter leurs larves)
- de nombreux reptiles,
- certaines amphibiens,
- de nombreux oiseaux dits insectivores ou plus généralistes dont presque tous les oiseaux mangeant près du sol ou sur le sol (grive, bergeronnettes, rouge-gorge, roitelet, etc.. jusqu'au héron, en passant par les faisans, les poules, pintades, perdrix...),
- certains mammifères, dont chauve-souris, hérisson, renards ou mustélidés (dont belette, fouine...).
Les araignées sont aussi victimes de maladies dues à des bactéries, virus, parasites (dont champignons parasites (ex : Cordyceps ou champignons du genre Gibellula) qui peuvent les tuer comme cela existe assez fréquemment aussi chez d'autres arthropodes, dont on découvre encore de nouvelles espèces.
Toutes les espèces connues d'araignées sont prédatrices, exceptée Bagheera kiplingi, araignée sud-américaine, qui se nourrit principalement de pousses d'acacia. Elles se nourrissent exclusivement de proies vivantes qu'elles chassent à l'aide de pièges ou à l'affût. Pour ne pas perdre leur proies, la plupart des espèces l'enroulent de soie. Nombre d'espèces sont nocturnes ou plus actives la nuit.
Comme tous les arachnides, l'araignée n'absorbe que des liquides : elle doit donc lyser ses proies — c'est-à-dire les liquéfier au moyen d'enzymes digestives injectées par les chélicères — avant de pouvoir s'en nourrir.
Les glandes séricigènes produisent de la soie filée par de petites protubérances articulées (les filières), le plus souvent au nombre de 6, situées sur la face ventrale plus ou moins à l'extrémité de l'abdomen. La soie est liquide dans les glandes, mais se solidifie en fibrilles une fois sortie par les fusules, sous l'effet de la traction exercée par les pattes de l'animal et au contact de l'air. Le fil de soie est en fait constitué par un entrelacement d'un nombre élevé de fibrilles élémentaires, de 0,05 µm de diamètre chacun. Le diamètre du fil de soie varie entre 25 et 70 µm (à diamètre équivalent, ces fils sont plus durs que de l'acier et possèdent une mémoire de forme 5 à 12 fois plus grande que le latex). Les araignées produisent plusieurs types de soies en fonction de l'usage qu'elles vont en faire. La soie collante n'est qu'un des types existants.
Principaux usages de la soie :
- emballage des œufs (cocon)
- tapissage du terrier des espèces qui vivent sous terre
- confection d'armes de chasse (bolas des Mastophora, filets des Dinopis)
- fabrication d'abri subaquatique (cloche à plongeur des argyronètes)
- fil de sécurité pendant un saut ou une chute volontaire pour fuir
- fil de déplacement (fil d'Ariane)
- moyen de dispersion aérien des jeunes (fils de la vierge ou fils Notre-dame, technique du ballooning (en))
- emmaillotage des proies capturées
- tissage des toiles de mue (matelas)
- tissage des toiles spermatiques
- tissage des toiles de piégeage des proies
On considère que l'usage initial de la soie était la fabrication du cocon pour protéger les œufs, car les araignées considérées comme « primitives » ne tissent pas de toile.
La plupart des espèces d'araignées possèdent des glandes à venin. Très peu d'espèces présentent un danger pour les êtres humains. Soit parce que les araignées sont trop petites pour pouvoir percer la peau humaine, soit parce qu'elles n'ont pas de comportement agressif.
Des espèces appartenant aux mygalomorphes possèdent des poils urticants sur l'abdomen.
Parmi les espèces dangereuses, citons la veuve noire présente dans les régions chaudes, l’Atrax robustus présent en Australie, Phoneutria nigriventer et Phoneutria fera, les "Araignées bananes" du Brésil.
Les araignées possèdent deux chélicères à l'avant du corps qui encadrent la bouche : ce sont ces appendices qui injectent du venin. Elles sont constituées d'un gros stipe et d'un crochet mobile au bout duquel débouche le canal à venin. Ces chélicères peuvent aussi servir à transporter des proies, à les dilacérer, à transporter le cocon ovigère, etc.
Le venin peut être composé de nombreuses neurotoxines. Parmi celles-ci, signalons celles de type polyamine agissant sur le système nerveux central, en particulier en inhibant la fonction des canaux NMDA. Il existe beaucoup de molécules décrites provenant de venin d'araignée.
Leur étude a permis le développement de plusieurs molécules d'intérêt clinique. Elle donnent aussi quelques outils de choix dans des recherches plus fondamentales. Des centaines, voire des milliers, de publications scientifiques traitent des nombreuses toxines isolées du venin des araignées et l'énoncé des propriétés spécifiques à chacune dépasse largement le cadre d'une encyclopédie.
Les araignées sont réputées pour leur vie solitaire. Cependant, une trentaine d'espèces présentent une vie sociale élaborée. Ces espèces dont Agelena consociata ou Anelosimus eximius sont généralement localisées dans des régions tropicales. Les colonies peuvent inclure des dizaines voire des centaines d'individus de tous âges et présentent une organisation sociale sophistiquée incluant la construction collective d'un piège soyeux pouvant atteindre un volume de plusieurs m3, la coopération dans la chasse et les soins aux jeunes. Toutes les espèces d'araignées présentent néanmoins une phase grégaire temporaire suite de l'émergence du cocon des juvéniles. A l'issue de cette phase grégaire, dont la durée est variable selon les espèces, les araignées se dispersent pour mener une vie solitaire.
À la différence des insectes, les araignées sont formées de deux parties : le céphalothorax ou prosome (la fusion entre la tête et le thorax) et l'abdomen ou opisthosome. L'abdomen porte les filières ou organes qui produisent la soie, et, sauf chez quelques taxons primitifs, n'a pas retenu les segmentations externes. À l'extrémité du céphalothorax sont les pédipalpes, organes sensoriels pour l'examen des proies et leur manipulation. Chez les adultes mâles, l'extrémité du pédipalpe porte aussi le bulbe copulateur.
Les deux parties sont reliées par un fin pédoncule, qui est le dernier somite (segment) du céphalothorax. Ce somite a été perdu chez les autres arachnides, n'étant présent, par exemple, qu'à l'état embryonnaire chez les scorpions.
Le prosome porte sur sa face ventrale quatre paires de pattes articulées disposées autour du sternum. Chaque patte se compose de 7 articles : de la base vers l'apex respectivement, on observe une hanche (coxa), un court trochanter, un long fémur, une plus courte patella, un long tibia, un métatarse et un tarse. Ce dernier se termine en 2 ou 3 griffes, lesquelles interviennent dans la manipulation de la soie et dans le déplacement sur la toile. Sont associées aux pattes diverses structures liées au mode de vie particulier de chaque taxon, que ce soient des peignes pour "carder" la soie, des épines, crins, poils qui servent d'organes sensoriels, des structures de stridulation.
Les yeux simples, placés à l'avant du prosome sont au nombre de 8, selon les espèces (certaines n'ont pas d'yeux). La disposition oculaire, souvent un trait distinctif, est propre au taxon. Parfois une paire d'yeux est plus développée que les autres, qui alors ne détectent que des vibrations autour de l'araignée. La vision est généralement mauvaise, bien que certaines espèces activement chasseresses possèdent une très bonne vision.
Les araignées ont un système circulatoire ouvert. Leur corps est rempli d'hémolymphe, qui est pompée par le cœur aux organes. Les araignées respirent soit par des poumons en feuillets, soit par un système trachéen, soit, chez quelques petites espèces, directement à travers la peau.
Beaucoup d'araignées produisent des sons qui semblent avoir des fonctions diverses (pour la reconnaissance intraspécifique, la reproduction, effrayer un éventuel prédateur, etc. , le plus souvent des vibrations inaudibles pour l'homme. Un nettement audible a été signalé en 1876 par Wood-Mason chez Chilobrachys stridulans (une grande Mygale vivant en Inde et Birmanie).
Les sons sont émis par :
- vibration d’organes ou appendices ; Rovner a le premier en 1980 montré la capacité d'une grosse Araignée tropicale Heteropoda venatoria (Eusparassidae) à faire vibrer ses pattes. Des Ctenidae dont le genre Phoneutria pourraient faire de même).
- percussion d'un substrat ; («tambourinage») par les pattes ou palpes ou l'abdomen. Ce phénomène a d'abord été démontré par Lahee en 1904 chez des Alopecosa (en Amérique du nord) puis souvent chez d’autres Lycosidae, les Clubionidae, les Anyphaenidae, les Ctenidae, les Salticidae et les Thomisidae et(revue in Uetz & Stratton,1982).
- stridulation ; le son est alors émis par frottement de deux parties rigides du corps entre elles. Il est perceptible chez beaucoup d'espèces jusqu'à 20 cm de l'araignée, dans quelques cas jusqu'à 1 m (chez de petits Theridiidae dont Steatoda bipunctata (Meyer,1928), et plus rarement jusqu’à 2 voire 3 mètres, par exemple chez la Mygale Theraphosa leblondi.
Le son est perçu par les autres araignées via des organes sensoriels situés sur les pattes (les trichobothries et les sensilles à fentes («slit sensilla» pour les anglophones).
- Les araignées saisonnières vivent de 6 à 8 mois et meurent après avoir pondu leurs œufs.
- Les araignées annuelles vivent de 1 à 2 ans et meurent après l'éclosion des jeunes.
- Les araignées pérennes vivent plusieurs années (mygales, filistates)
Comme chez tous les arthropodes, la croissance se fait par mues successives de l'exosquelette. Selon les espèces, il y a de 8 à 13 mues pour atteindre l'état adulte. Les mygales continuent de muer à peu près une fois par an après avoir atteint l'âge adulte.
Le dimorphisme sexuel des araignées est généralement faible, les femelles se distinguant par une taille supérieure et un abdomen plus gros. Les mâles adultes se reconnaissent, en plus de leur petite taille, à leurs pédipalpes qui portent à leur extrémité un organe de stockage de sperme appelé bulbe copulatoire. La différence de taille est parfois spectaculaire, comme chez les néphiles où il est difficile de croire qu'il s'agit de la même espèce.
Les araignées sont ovipares ; elles pondent des œufs, qui sont emballés dans un cocon de soie. En fonction de la taille de l'espèce, le nombre d'œufs varie de un à plusieurs milliers. Si certaines espèces abandonnent le cocon, d'autres le transportent accroché aux filières ou maintenu par les chélicères. Chez ces dernières espèces, dès leur éclosion, les jeunes montent sur le dos de leur mère qui les protège et les nourrit jusqu'à ce qu'ils soient capables de se défendre.
Beaucoup d'espèces ont une parade nuptiale élaborée consistant surtout pour le mâle à se faire distinguer d'une proie pour éviter d'être dévoré par la femelle. Le cannibalisme nuptial de la veuve noire (Latrodectus mactans) ou de l'épeire (Araneus diadematus) est peu répandu.
Le mâle tisse une toile spermatique sur laquelle il dépose son sperme, qu'il aspire ensuite dans ses bulbes copulatoires.